Que se passe-t-il pendant la cuisson des aliments - comprendre la formation de l’acrylamide

Dernière mise à jour : 31 October 2008
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    Depuis plusieurs milliers d’années, les êtres humains utilisent la chaleur pour cuire leurs aliments. Si la chaleur permet d’obtenir le goût, l’odeur et la couleur souhaités, elle peut aussi entraîner la formation de substances indésirables. L’une d’entre elles, qui a retenu l’intérêt des scientifiques et des médias ces dernières années, est l’acrylamide.

    Découverte de l’acrylamide dans les denrées alimentaires

    À l’origine, l’acrylamide n’était connu que pour ses usages industriels comme la production de plastiques, de colles, de papier et de cosmétiques. L’exposition accidentelle des ouvriers à de fortes concentrations d’acrylamide a conduit à l’identification de cette substance comme neurotoxique. Autrement dit, l’acrylamide à fortes doses a le pouvoir de provoquer des lésions aux tissus nerveux. Chez l’animal, de fortes doses provoquent le cancer et affectent la reproduction.

    En 2002, des chercheurs de l’Université de Stockholm, en Suède, ont eu la surprise de découvrir la présence d’acrylamide dans certaines denrées alimentaires et depuis lors, cette substance a été identifiée dans plusieurs aliments cuisinés à très haute température1. Cette substance peut apparaître spontanément lors de la cuisson d’aliments à plus de 120 °C, par exemple dans les aliments frits, cuits au four ou rôtis. Les produits à base de pomme de terre, comme les frites et les chips, les biscuits et crackers, les céréales pour le petit-déjeuner, les pommes de terre au four, les produits de boulangerie ou le café contiennent de l’acrylamide. D’autres recherches ont permis d’identifier cette substance dans les fruits secs, les légumes cuits au four, les olives noires et certaines noix rôties.

    Comment l’acrylamide se forme-t-il dans les aliments?

    La formation d’acrylamide dans les aliments est le résultat d’un phénomène qui porte le nom de réaction de Maillard, soit une réaction chimique entre un acide aminé (élément de base des protéines) et un sucre simple comme le glucose, le fructose ou le lactose.

    Il faut de la chaleur pour amorcer la réaction de cuisson qui déclenche toute une série de transformations chimiques aboutissant au « brunissage » (carbonisation) des aliments et à la formation des différents composés d’odeur et de saveur. En somme, ce sont ces composés qui donnent aux aliments cuits leur aspect et leur saveur caractéristiques. L’une des illustrations les plus fréquentes de la réaction de Maillard consiste à faire chauffer du pain blanc pour le transformer en toast de couleur brune.

    La formation d’acrylamide n’est que partiellement comprise, car la réaction de Maillard est l’une des réactions chimiques les plus complexes survenant dans les aliments. Toutefois, la formation et la concentration d’acrylamide dans les aliments semblent dépendre du type d’aliment, de la température et de la durée de l’exposition à la chaleur. En général, les féculents (pain, pommes de terre) cuits à très haute température pendant longtemps contiennent de fortes concentrations d’acrylamide.

    Outre la durée et la température de cuisson, les recherches ont montré que la formation d’acrylamide dépendait de la teneur de l’aliment en asparagine. Cet acide aminé possède une structure chimique qui est comparable à la structure chimique de l’acrylamide, ce qui donne à penser que l’asparagine pourrait être transformée en acrylamide, au cours de la réaction de Maillard.

    Quelle est la teneur en acrylamide des aliments?

    Les scientifiques s’accordent d’une manière générale sur le fait que les aliments qui contiennent les taux les plus élevés d’acrylamide sont ceux qui sont frits ou cuits au four, comme les gâteaux, le pain et les frites. Selon le Comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA), les principaux aliments qui contribuent aux apports totaux en acrylamide dans la majorité des pays sont les frites (16-30 %), les chips (6-46 %), le café (13-39 %), les pâtisseries et biscuits sucrés (10-20 %) et le pain et les toasts (10-30 %)2. D’autres aliments contribuent pour moins de 10 % de ce total. Les apports en acrylamide dans les pays de l’Union européenne varient entre 0,3 et 1,4 microgramme par kilo de poids corporel par jour, et la contribution des différents aliments varie selon les habitudes alimentaires nationales3.

    Aucune trace d’acrylamide n’a été encore décelée dans les aliments qui ont été bouillis, pochés ou cuits à la vapeur. Cela peut s’expliquer par la température maximale de ces modes de cuisson, qui ne dépasse pas 100 °C, et par l’absence d’une réaction de brunissage.

    L’acrylamide présent dans les aliments est-il dangereux pour la santé humaine?

    Peu de temps après l’étude suédoise, l’ancien Comité scientifique de l’alimentation humaine a émis un avis sur les risques possibles que la présence d’acrylamide dans les denrées alimentaires faisait peser sur la santé humaine4. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme pour sa part que l’acrylamide fait partie des substances chimiques dépourvues de seuil d’effet identifiable fiable, ce qui signifie que de très faibles concentrations entraînent de très faibles risques, mais pas un risque zéro5

    En 2005, le Groupe scientifique sur les contaminants de la chaîne alimentaire de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a confirmé les principales conclusions du rapport du JECFA, préconisant que des efforts soient entrepris pour minimiser l’exposition à cette substance2,6.

    Pour mieux comprendre les risques que soulèvent les aliments cuits à très haute température, la Commission européenne a financé le projet HEATOX (Heat-generated Food Toxicants – Identification, Characterisation and Risk Minimalisation)3. L’objectif de HEATOX est d’identifier, caractériser et minimiser les risques soulevés par les composés nocifs produits au cours de la cuisson. Il s’intéresse tout particulièrement à l’acrylamide et a rendu quatre grandes conclusions en 2007, à l’issue d’expérimentations conduites en laboratoire : 1) l’acrylamide présent dans les aliments peut être un facteur de risque de cancer ; 2) il est possible de réduire la formation d’acrylamide dans les aliments, sans toutefois l’éliminer ; 3) il existe des méthodes analytiques permettant de détecter les taux d’acrylamide dans les denrées alimentaires ; et 4) la cuisson des aliments peut produire d’autres composés utiles à la santé humaine.

    Quelles sont les mesures prises pour réduire la teneur en acrylamide des denrées alimentaires?

    Les fabricants de produits alimentaires ont pris des mesures pour réduire la formation d’acrylamide dans les aliments comme les pains croustillants, les biscuits et produits cuits au four et les chips en resserrant les contrôles de qualité, et en modifiant les recettes et processus de cuisson. Il est important de noter toutefois que ces processus ne peuvent prendre en compte le facteur de saisonabilité, qui a un impact significatif sur la teneur en précurseurs de l’acrylamide des matières premières agricoles.

    Pour faire le point sur les connaissances existantes dans l’industrie agroalimentaire, la Confédération des industries agroalimentaires (CIAA) a publié une « Boîte à outils » sur l’acrylamide, qui propose aux fabricants et aux consommateurs une série de mesures permettant de réduire la présence d’acrylamide dans les aliments7. Les résultats de la recherche HEATOX ont été pris en compte et inclus chaque fois que possible dans cette boîte à outils, qui est mise à jour régulièrement.

    Les chercheurs étudient actuellement la possibilité de réduire la présence d’acrylamide dans les denrées alimentaires en bloquant la réaction pendant la cuisson, par la biotechnologie et la modification des techniques agricoles actuelles. Par exemple, l’augmentation du taux de sulfure dans le sol et la diminution du taux d’azote ont pour effet de réduire la teneur de certaines céréales en acrylamide. De plus, grâce au génie génétique, les chercheurs ont produit une nouvelle variété de pomme de terre qui contient moins de sucre que les pommes de terre ordinaires8. La diminution du taux de sucre (p. ex., glucose) dans les pommes de terre devrait réduire la concentration d’acrylamide, car ce type de sucre est un élément clé de la réaction de Maillard et favorise la formation d’acrylamide. De même, les scientifiques ciblent les gènes qui, dans les végétaux, sont responsables de la formation d’asparagine. L’asparagine est un autre élément clé nécessaire à la formation d’acrylamide. En réduisant la présence de ce composé dans les végétaux, cela devrait avoir pour effet de réduire la formation d’acrylamide pendant la réaction de Maillard.

    Avantages de la cuisson

    En règle générale, la cuisson des denrées alimentaires comporte de nombreux avantages qu’il importe de ne pas oublier. En plus d’augmenter la saveur et le goût, la cuisson réduit également le risque d’intoxication alimentaire. En outre, le processus de cuisson permet de libérer d’autres nutriments essentiels à notre organisme.

    Que pouvez-vous faire?

    Les recherches visant à identifier des moyens de réduire la formation d’acrylamide au cours de la cuisson de certaines denrées alimentaires se poursuivent. En attendant, les consommateurs devraient éviter de trop cuire certains aliments (brunissage excessif). Le respect des instructions de cuisson qui figurent sur les conditionnements des denrées alimentaires et un bon équipement de cuisson devrait permettre d’atteindre cet objectif. Les consommateurs doivent également varier leurs techniques de cuisson et envisager de faire bouillir ou de cuire à la vapeur leurs aliments pour minimiser la formation d’acrylamide. Puisque les produits qui peuvent contenir beaucoup d’acrylamide sont également très énergétiques, il importe donc de les consommer avec modération dans le cadre d’un régime équilibré.

    Réferénces

    1. Tareke E, Rydberg P, Karlsson P, Eriksson S, Törnqvist M. (2002) Analysis of acrylamide, a carcinogen formed in heated foodstuffs. Journal of Agricultural and Food Chemistry. 50(17):4998-5006. doi: 10.1021/jf020302f S0021-8561(02)00302-3
    2. JECFA Report TRS 930-JECFA 64/8.
    3. The HEATOX Project, Final Project Leaflet.
    4. Scientific Committee on Food (2002) Opinion of the Scientific Committee on Food on new findings regarding the presence of acrylamide in food.
    5. World Health Organisation (WHO). Food Safety section: Frequently asked questions - acrylamide in food.
    6. European Food Safety Authority, Key Topics section: Acrylamide in food.
    7. The CIAA Acrylamide ‘Toolbox’.
    8. Rommens CM, Ye J, Richael C, Swords K. (2006) Improving Potato Storage and Processing Characteristics through All-Native DNA Transformation. Journal of Agricultural and Food Chemistry 54(26):9882-9887. doi: 10.1021/jf062477l S0021-8561(06)02477-0

    Addendum de juin 2014

    La Confédération des industries agroalimentaires de l’UE (CIAA) a officiellement changé de nom en juin 2011 pour devenir FoodDrinkEurope (FDE).

    Le projet de recherche européen HEATOX a pris fin en novembre 2007. Ses résultats ont été utilisés dans la boîte à outils sur l’acrylamide de la FDE (anciennement CIAA). La boîte à outils est mise à jour au fur et à mesure des avancées scientifiques.

    En janvier 2014, la FDE a publié une série de brochures inspirées de la boîte à outils sur l’acrylamide. Traduites dans les 23 langues européennes, ces brochures portent sur des produits alimentaires spécifiques. Elles présentent les derniers outils mis au point pour aider les fabricants européens de produits alimentaires et de boissons à limiter la formation d’acrylamide dans certains produits alimentaires.

    Le dernier rapport du Comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) sur l’acrylamide a été publié en 2011. Il s’inscrit dans le cadre d’une évaluation de certains produits polluants trouvés dans les aliments. Selon le JECFA, les principaux aliments qui contribuent à l’exposition totale moyenne à l’acrylamide dans la majorité des pays sont les frites (10 à 60 %), les chips (10 à 22 %), les pâtisseries et biscuits sucrés (10 à 15 %) et le pain et les toasts (13 à 34 %). D’autres aliments contribuent pour moins de 10 % à cette exposition totale par l’alimentation.

    En 2007, la Commission européenne (CE) a formulé une recommandation aux États membres (2007/331/CE) sur le suivi des teneurs en acrylamide des denrées alimentaires. Ce suivi cible les aliments qui sont connus pour contenir des teneurs élevées en acrylamide et pour leur contribution significative à l’ingestion alimentaire de cette substance par l’humain.

    Au début de l’année 2011, la CE a émis des limites indicatives concernant la teneur en acrylamide de certains aliments, sur la base des données de suivi européennes. Ces valeurs indicatives ne sont pas des seuils de sécurité. Elles visent uniquement à signaler qu’une enquête doit être menée par les autorités compétentes afin de déterminer pourquoi le niveau maximal établi a été dépassé. Ces valeurs indicatives ont été actualisées au mois de novembre 2013.

    En 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié des données européennes sur la teneur en acrylamide relevée dans une gamme d’aliments entre 2007 et 2010. Ces données sont utilisées pour évaluer l’efficacité de la mise en œuvre des stratégies décrites dans la boîte à outils par l’industrie agroalimentaire en Europe. Il est important d’établir l’efficacité de l’adoption par l’industrie agroalimentaire de l’approche préconisée par la boîte à outils, car ces données alimenteront les débats entre les États membres de l’UE sur l’approche adoptée sur la question de l’acrylamide. Les données européennes publiées par l’EFSA présentaient l’analyse de 10 catégories alimentaires distinctes. Il convient de noter que certains échantillons provenant de l’une ou l’autre de ces catégories, comme les chips, étaient relativement petits. L’étude n’a pas révélé de tendance à la baisse significative dans la teneur en acrylamide de ces chips. Selon les données de suivi de l’année 2010, les limites indicatives pour la teneur en acrylamide recommandées par la CE n’étaient pas respectées dans 3 à 20 % des échantillons des différentes catégories alimentaires. Le rapport est parvenu à la conclusion qu’une extension de la période d’étude ainsi que des descriptions détaillées des sources des échantillons seraient nécessaires pour réaliser une évaluation plus précise de la tendance.

    Une étude publiée en 2013 a livré les conclusions d’une analyse menée entre 2002 et 2011 sur un ensemble de données bien plus vaste portant sur les concentrations en acrylamide dans les chips. Contrairement aux résultats des rapports précédents, elle a montré que les niveaux d’acrylamide ont eu généralement tendance à baisser au cours de cette période, et ce de manière continue.

    L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) étudie actuellement les effets de l’acrylamide sur la santé humaine. Cette étude tiendra compte des travaux internationaux effectués dans ce domaine, et notamment ceux du JECFA. La version provisoire devrait être terminée et ouverte à la consultation publique en juin 2014. Les commentaires recueillis seront utilisés dans la formulation de l’avis scientifique final prévue pour l’année 2015.

    Réferénces

    1. FoodDrinkEurope, Acrylamide Pamphlets, January 2014. Available here (Accessed 22nd May, 2014).
    2. Evaluation of certain contaminants in food (Seventy-second report of the Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives). WHO Technical Report Series, No. 959, 2011. Available here (Accessed 22nd May, 2014).
    3. European Commission Recommendation of 3 May 2007 on the monitoring of acrylamide levels in food (2007/331/EC). Available here (Accessed 23rd May, 2014).
    4. Commission recommendation of on investigations into the levels of acrylamide in food, Brussels, 10.1.2011 C(2010) 9681 final. Available here (Accessed 23rd May, 2014).
    5. European Food Safety Authority; Update on acrylamide levels in food from monitoring years 2007 to 2010, EFSA Journal 2012;10(10):2938. Available here (Accessed 23rd May, 2014).
    6. Powers et al. (2013) Acrylamide concentrations in potato crisps in Europe from 2002 to 2011, Food Additives & Contaminants: Part A, 2013. Available here (Accessed 23rd May, 2014).

    Informations complémentaires

    Acrylamide Q&As